Je me souviens de L’Évangile selon Saint Mathieu (1964), de P.-P. Pasolini
Je me souviens avoir vu et aimé le film de Pasolini, L'Évangile selon Saint Matthieu (1964).
Pasolini avait choisi L'Évangile selon Matthieu parce qu'il estimait que « Jean était trop mystique, Marc trop vulgaire et Luc trop sentimental ».
Le film est considéré comme un grand classique du cinéma mondial et je le considère comme un grand classique du cinéma italien dans sa veine néoréaliste. En 2015, le journal de la Cité du Vatican, L'Osservatore Romano, estimait qu'il s'agissait du « meilleur film religieux » de tous les temps : cela me convient.
Synopsis.
Joseph est choqué quand il voit que sa fiancée Marie est enceinte. C'est alors que l'archange Gabriel lui apparaît et réalise l'Annonciation. Il lui dit qu'il n'y a pas lieu d'avoir peur de prendre Marie pour épouse, car ce qui a été généré en elle vient du Saint-Esprit. Il aura un fils qui s'appellera Jésus et qui sauvera son peuple de ses péchés.
Quand l’enfant naît, les rois mages viennent l’adorer. Mais les livres sacrés du peuple juif sont connus du roi Hérode qui, craignant que l'enfant ne devienne le libérateur qui mettra fin à la puissance de Rome, donne l'ordre de tuer tous les nouveau-nés.
Des années plus tard, Jésus rend visite à son cousin Jean, qui réalise des baptêmes dans le Jourdain. Lorsque Jésus sort de l’eau, les cieux s’ouvrent et une voix se fait entendre disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai placé toute mon affection. »
Jésus se retire ensuite dans le désert pendant quarante jours et quarante nuits, après quoi il part annoncer la bonne parole ou l'Évangile à quelques disciples. Il parcourt les villes et villages de Judée et de Galilée, annonçant la venue du Royaume de Dieu et accomplissant des miracles. Trahi par Judas, il meurt crucifié sur le Golgotha. Il ferme les yeux dans une lumière brillante et ressuscite d’entre les morts trois jours plus tard.
Commentaire :
J'aimerais comprendre pourquoi j'aime tant ce film, et pour cela, donner quelques éléments qui me font le préférer à bien d'autres.
Il y a d’abord la musique. Au début du film, on entend le Gloire à Dieu de la Missa Luba Congolaise puis, immédiatement après, La Passion de saint Matthieu de J.-S. Bach. Pasolini a déclaré que toute la musique du film était de nature sacrée ou religieuse, provenant de toutes les régions du monde et de multiples cultures ou systèmes de croyance. En effet, la musique du film, arrangée par Luis Enriquez Bacalov, qui a également composé plusieurs pièces musicales originales, est éclectique : outre la Messe en si mineur de Bach, on peut entendre Sometimes I Feel like a Motherless Child, interprété par Odetta, Dark Was the Night, Cold Was the Ground de Blind Willie Johnson, ou la prière de la liturgie juive Kol Nidre.
Deuxièmement, j'aime le fait que la plupart des acteurs embauchés par le réalisateur étaient des non-professionnels, résidents de Barile, Matera et Massafra, villes du Mezzogiorno auxquelles Pasolini entendait rendre hommage, et de la Basilicate, de la Calabre et des Pouilles en particulier.
L'acteur choisi pour le rôle du Christ, Enrique Irazoqui, était également un jeune étudiant catalan de 19 ans venu en Italie pour chercher du soutien dans la lutte contre le régime de Franco.
Il est à noter que Pasolini a adhéré au marxisme après avoir lu Antonio Gramsci. Mais plus intéressant encore est le fait que Pasolini, vraisemblablement athée, homosexuel et marxiste, a réalisé un film profondément mystique et « révérencieux », parce qu'il n'a pas essayé de profaner la vie du Christ - il considérait les profanations comme une mode petite-bourgeoise qu'il détestait -, mais au contraire de réenchanter, de consacrer les choses, parce qu'il croyait que c'était possible.
Pasolini a souligné son intention, non pas de reproduire exactement un Christ historique dans sa vie quotidienne, mais de raconter cette histoire à la lumière de la société du sud des années soixante, de raconter « la vie du Christ après deux mille ans d'histoires sur la vie du Christ ».
Pasolini ne manquait pas d'humour. À ceux qui lui demandaient pourquoi il avait réalisé un film à thème religieux alors qu’il était lui-même non croyant, il répondait :
« Si vous savez que je suis incroyant, alors vous me connaissez mieux que moi-même. Je suis peut-être un non-croyant, mais je suis un non-croyant qui a la nostalgie de la foi. » Comme il avait la nostalgie du mysticisme et du sacré.
C'est pourquoi son Christ n'est pas un dispensateur d'eau tiède, consensuel et accommodant. C'est un sectaire, qui jeûne, qui médite, et qui lorsqu'il s'adresse à ses pairs, les harangue, les bouscule, et parfois même les menace, pour les empêcher de s'endormir dans une fallacieuse bonne conscience. Sa seule arme en tant que prophète désarmé est la parole ; mais ses paroles sont incisives, agressives, exigeantes envers les autres car, ayant renoncé pour lui à toute douceur, au réconfort de l’aisance, il a choisi d'être exigeant pour lui-même, comme l'illustre sa harangue, reproduite au chapitre 23 de l'Évangile selon saint Matthieu, versets 23 à 39 :
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et ne respectez pas les prescriptions les plus graves de la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Ces choses devaient être mises en pratique, sans pour autant négliger les premières. Guides aveugles, qui filtrez le moucheron et avalez le chameau !
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui nettoyez l’extérieur du verre et de l’assiette tandis qu’à l’intérieur ils sont pleins de vol et d’intempérance. Pharisiens aveugles, nettoyez d’abord l’intérieur du verre, afin que l’extérieur devienne aussi propre !
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des tombeaux blanchis à la chaux : au dehors ils sont beaux à voir, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de putridités de toutes sortes. Ainsi, vous aussi, extérieurement, vous paraissez juste devant les hommes, mais au-dedans vous êtes remplis d’hypocrisie et d’iniquité.
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui élevez les tombeaux des prophètes et ornez les tombeaux des justes, et dites : « Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne serions pas associés à eux pour verser le sang des prophètes ; et ainsi vous témoignez contre vous-mêmes que vous êtes les enfants des assassins des prophètes. Eh bien, remplissez la mesure de vos pères !
Crimes et punitions imminents
Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous à la condamnation de la Géhenne ? C’est pourquoi voici, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes ; parmi ceux-ci vous en tuerez et crucifierez quelques-uns, les autres vous les fouetterez dans vos synagogues et les persécuterez de ville en ville ; afin que tout le sang innocent répandu sur la Terre retombe sur vous, depuis le sang du juste Abel jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tués entre le sanctuaire et l’autel. En vérité, je vous le dis : toutes ces choses retomberont sur cette génération.
Apostrophe à Jérusalem
Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes et tu ne l’as pas voulu ! Voici : votre maison restera déserte ! Car je vous dis que vous ne me verrez plus tant que vous n’aurez pas dit : « Bienheureux celui qui vient au nom du Seigneur ! ».
Voilà pourquoi j’aime ce film : outre son esthétique épurée, il montre que le salut n’est pas chose simple. « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. », dit encore le Christ.
28 octobre 2024.
Traduction (Italien)
Mi ricordo del Il Vangelo secondo Matteo (1964), di P.-P. Pasolini
Mi ricordo di aver visto e amato il film di Pasolini, Il Vangelo secondo Matteo (1964).
Pasolini aveva scelto Il Vangelo secondo Matteo perché riteneva che « Giovanni fosse troppo mistico, Marco troppo volgare et Luca troppo sentimentale ».
Il film è considerato un grande classico del cinema mondiale e io considero che è un grande classico del cinema italiano nella sua vena neorealista. Nel 2015, il quotidiano della Città del Vaticano L’Osservatore Romano ha stimato che era il « miglior film religioso » di tutti i tempi : questo mi va bene.
Sinossi.
Joseph è sconvolto quando vede che la sua fidanzata Maria è incita. È allora che gli appare l’arcangelo Gabriele che compie l’Annunciazione. Gli dice che non bisogna temere di prendere Maria come sua sposa, perché ciò che è stato generato in Lei viene dallo Spirito Santo. Avrà un figlio che si chiamerà Gesù e che salverà il suo popolo dai suoi peccati.
Quando il bambino nasce, i saggi vengono ad adorarlo. Ma i libri sacri del popolo ebraico sono conosciuti da re Erode che, temendo che il bambino diventi il liberatore che metterà fine al potere di Roma, dà l’ordine di uccidere tutti i neonati.
Anni dopo, Gesù va a trovare suo cugino Giovanni, che sta battezzando la gente nel Giordano. Quando Gesù esce dall’acqua, i cieli si aprono e si sente una voce che dice : « Questo è il mio diletto Figlio, nel quale mi sono compiaciuto. »
Gesù poi si ritira nel deserto per quaranta giorni e quaranta notti, dopodiché parte per annunciare la buona parola o il Vangelo con alcuni discepoli. Percorre le città e i villaggi della Giudea e della Galilea, annunciando la venuta del Regno di Dio e compiando miracoli. Tradito da Giuda, muore crocifisso sul Golgota. Chiude gli occhi in una luce brillante e risorge dai morti tre giorni dopo.
Commento :
Vorrei capire perché questo film mi piace così tanto, e per questo, fare un elenco degli elementi che me lo fanno preferire a tanti altri.
Prima di tutto, c’è la musica. Nell’inizio del film, si può sentire il Gloria a Dio della Missa Luba congolese poi, subito dopo, La Passione secondo San Matteo di J.-S. Bach. Pasolini affermava che tutta la musica nel film era di natura sacra o religiosa, proveniente da tutte le regioni del mondo e da molteplici culture o sistemi di credenze. Effetivamente, la musica del film, arrangiata da Luis Enriquez Bacalov, che ha anche composto diversi brani musicali originali, è eclettica : oltre la Messa in si minore di Bach, si può sentire Sometimes I Feel like a Motherless Child di Odetta, Dark Was the Night, Cold Was the Ground di Blind Wille Johnson, o la preghiera della liturgia ebraica Kol Nidre.
In secondo luogo, mi piace il fatto che la maggior parte degli attori assunti dal regista erano non professionisti, residenti di Barile, Matera e Massafra, città del Mezzogiorno a cui Pasolini intendeva rendere omaggio, e della Basilicata, della Calabria e della Puglia in particolare.
Anche l’attore scelto per il ruolo del Cristo, Enrique Irazoqui, era un giovane studente catalano di 19 anni, venuto in Italia per cercare sostegno nella lotta contro il regime franchista.
È notevole che Pasolini aderí al marxismo dopo aver letto Antonio Gramsci. Ma più interessante ancora é il fatto che Pasolini, presumibilmente ateo, omosessuale e marxista, ha realizzato un film profondamente mistico e « reverenziale », perché non cercava di profanare la vita di Cristo – considerava le profanazioni come una moda piccolo borghese che odiava -, ma a reincantare, consacrare le cose, perché credeva che fosse possibile.
Pasolini sottolineava la sua intenzione, non di riprodurre esattamente un Cristo storico nella sua vita quotidiana, ma di raccontare questa storia alla luce della sociétà del Mezzogiorno degli anni Sessanta, per raccontare « la vita di Cristo dopo duemila anni di racconti sulla vita di Cristo ».
A Pasolini non mancava l’umorismo. A chi gli chiedeva perché aveva realizzato un film con temi religiosi quando lui stesso era non credente, rispondava :
« Se sapete che sono un non credente, allora mi conoscete meglio di quanto io mi conosco me stesso. Potrei essere un non credente, ma sono un non credente che ha la nostalgia della fede ».
Ecco perché il suo Cristo non è un dispensatore di acqua tiepida, consensuale e accomodante. È un settario, che digiuna, che medita, e che quando si rivolge ai suoi coetanei, li arringa, li sprona, e talvolta addirittura li minaccia, per impedire loro di addormentarsi in buona coscienza. La sua unica arma di profeta disarmato è la parola; ma le sue parole sono incisive, aggressive, esigenti verso gli altri perché, avendo rinunciato per sé ad ogni dolcezza, al conforto dell'agiatezza, ha scelto di essere esigente per se stesso, come illustra la sua arringa, riprodotta nel capitolo 23 del Vangelo secondo San Giovanni Matteo, versetti da 23 a 39 :
Guai a voi, scribi e farisei ipocriti, che pagate la decima della menta, dell'anèto e del cumìno, e trasgredite le prescrizioni più gravi della legge : la giustizia, la misericordia e la fedeltà. Queste cose bisognava praticare, senza omettere quelle. Guide cieche, che filtrate il moscerino e ingoiate il cammello !
Guai a voi, scribi e farisei ipocriti, che pulite l'esterno del bicchiere e del piatto mentre all'interno sono pieni di rapina e d'intemperanza. Fariseo cieco, pulisci prima l'interno del bicchiere, perché anche l'esterno diventi netto !
Guai a voi, scribi e farisei ipocriti, che rassomigliate a sepolcri imbiancati : essi all'esterno son belli a vedersi, ma dentro sono pieni di ossa di morti e di ogni putridume. Così anche voi apparite giusti all'esterno davanti agli uomini, ma dentro siete pieni d'ipocrisia e d'iniquità.
Guai a voi, scribi e farisei ipocriti, che innalzate i sepolcri ai profeti e adornate le tombe dei giusti, e dite : Se fossimo vissuti al tempo dei nostri padri, non ci saremmo associati a loro per versare il sangue dei profeti; e così testimoniate, contro voi stessi, di essere figli degli uccisori dei profeti. Ebbene, colmate la misura dei vostri padri !
Delitti e castighi imminenti
Serpenti, razza di vipere, come potrete scampare dalla condanna della Geenna ? Perciò ecco, io vi mando profeti, sapienti e scribi; di questi alcuni ne ucciderete e crocifiggerete, altri ne flagellerete nelle vostre sinagoghe e li perseguiterete di città in città; perché ricada su di voi tutto il sangue innocente versato sopra la terra, dal sangue del giusto Abele fino al sangue di Zaccaria, figlio di Barachìa, che avete ucciso tra il santuario e l'altare. In verità vi dico : tutte queste cose ricadranno su questa generazione.
Apostrofe a Gerusalemme
Gerusalemme, Gerusalemme, che uccidi i profeti e lapidi quelli che ti sono inviati, quante volte ho voluto raccogliere i tuoi figli, come una gallina raccoglie i pulcini sotto le ali, e voi non avete voluto ! Ecco : la vostra casa vi sarà lasciata deserta ! Vi dico infatti che non mi vedrete più finché non direte : « Benedetto colui che viene nel nome del Signore ! ».
Ecco perché questo film mi piace : oltre alla sua estetica depurata, mostre che la salvezza non è una cosa semplice. «È più facile che un cammello passi per la cruna di un ago, che un ricco entri nel regno di Dio», dice ancora Cristo.
28 ottobre 2024.