Voyage en Grèce.
Epidaure - Grèce
Voyage en Grèce.
Moi, si on me demandait mon avis, je ne conseillerais à personne d’aller en Grèce pour y faire du tourisme. Raison pour laquelle on ne me demande pas mon avis.
Je me souviens de ce ciel gris de printemps. Pourtant, le soleil ne m’a pas manqué en Grèce, il m’a même fait souffrir. Après l’atterrissage, il m’avait fallu quelques longs instants avant de pouvoir lever les yeux tant était aveuglante la réverbération sur le tarmac. Sur le Lycabette, sur l’Acropole, à Sparte, à Olympie, à Delphes, à Épidaure, le soleil était là. Inutile d’invoquer une mémoire qui se brouille : les films de Théo Angelopoulos, comme L’Apiculteur, qui montrent l’envers de la carte postale et la réalité sociale moins reluisante de la Grèce des années 1980, je ne les ai vus qu’après. Alors quoi ? Alors, à Mycènes, le ciel était gris et triste ; et si j’ai vu l’Acropole sous le soleil, au moment où j’ai levé les yeux vers l’emplacement des métopes manquantes de la frise du Parthénon, celles-là mêmes qui ont été volées par lord Elgin au XIX e siècle et que les responsables du British Museum refusent toujours de rendre, ce soleil athénien a été voilé par les nuages.
Mauvaise humeur passagère. A la réflexion je n’aurais pas voulu voir le temple autrement.
Et pas seulement par snobisme contre le tourisme de masse et les clichés de la Grèce ensoleillée, mais parce que j’y ai vu un sens caché : les nuages voilant le soleil d’Athènes au moment où mon regard cherchait la frise incomplète du Parthénon, c’était le symbole de la beauté grecque. Une beauté, faite de proportions et d’harmonie, telle que définie par les Anciens, obscurcie par les lois du commerce moderne, qui n’excluent pas le vol.
Je n’avais pas étudié le grec à l’école et mes connaissances en en culture classique ont toujours été légères : Eschyle, Sophocle, Euripide et Aristophane, pour ne citer qu’eux, restaient à cette époque des noms perdus dans le ciel des idées platoniciennes. Aujourd’hui, ils m’évoquent la clarté, l’harmonie, mais aussi la tragédie. A l’époque j’ignorais que les trois principes de la morale grecque étaient la piété filiale, la crainte des dieux, et le bon accueil réservé aux étrangers et aux faibles. Le ciel gris et menaçant de Mycènes, s’il ne me l’a pas appris, m’en a donné l’intuition.
Raison pour laquelle, sans doute, j’ai préféré le coucher de soleil sur le théâtre d’Épidaure. Comme un adieu à la civilisation et à cette beauté que je n’étais pas près de revoir.
mars 2023