C’est beau une ville la nuit.

Montmartre - Paris

    La nuit appartient à ceux qui ne se satisfont pas du rythme trépidant des activités humaines diurnes. Le jour est consacré à l’alimentation, aux courses, au commerce, aux affaires, aux échanges humains et sociaux, aux rapports de force. La communication, l’information, la publicité parasitent et recouvrent la beauté, la beauté naturelle aussi bien que celle des oeuvres d’art créées par des génies et des artisans plus modestes pour l’agrément de leurs contemporains.

    La publicité, les rires forcés, les manifestations collectives de joie ou de colère, empêchent le promeneur solitaire d’entretenir un rapport apaisé et serein au monde qui l’entoure. Son attention est constamment sollicitée par l’inessentiel.

    Les autres… Mais ils ne font que vous emmerder avec leurs petits problèmes, les autres ! Leurs digestions difficiles, leurs soucis de santé, leurs problèmes d’argent, leurs ambitions et leurs échecs. Les célébrités de la société du spectacle sont particulièrement pénibles à cet égard.

    Les enfants jouent, et quand ils sont mal éduqués, ils vous foncent dans les jambes sans ménagements. Les jeunes avec leurs scooters, les livreurs avec leurs camionnettes, ne font guère plus attention. À la télévision, se succèdent programmes éducatifs, programmes pour enfants, documentaires plus ou moins anxiogènes sur les enjeux de société, films et téléfilms, information en continu, (Mais nous ne tenons pas particulièrement à être bien informés. Pour ce qui est de la réalité, nous savons à peu près à quoi nous en tenir), actualité des vedettes et des célébrités, avec leurs petits états d’âme et leurs grands projets, les « causes » qui leur tiennent à coeur : aux riches, aux puissants, aux célébrités les nobles causes qui leur permettent de prendre toute la lumière, tandis qu’il reste aux anonymes à descendre les poubelles.

    Il y a bien les bibliothèques, ces refuges qui abritent les trésors de la connaissance et des savoirs. Mais tous ces livres! Tous ces livres ! Protégés par le droit d’auteur. Un livre est une création de l’esprit qui appartient à son auteur. On peut l’emprunter mais pas le copier. Cela est bien ennuyeux. Quand on voit tous les films qui se tournent et qui permettent de faire de l’argent, alors qu’ils ont été adaptés d’un roman ou d’une histoire vraie, simplement parce que leurs auteurs en ont acquis les droits… Mais quelle beauté n’est pas privatisée ?

    La propriété, c’est le vol. Reste la beauté des villes la nuit. Les solitaires professionnelles sont fatiguées et les noctambules vont se coucher. Ma problématique présence au monde m’apparaît alors dans toute son horreur, et je puis contempler tout à loisir mon extraordinaire vacuité intérieure. Je ne sais si la lune est le trou du cul du ciel ou si elle est l’astre mellifluent qui inspira nombre de poètes insomniaques, et d’ailleurs je m’en fous un peu. C’est sur cette Terre qu’il faudrait que je fasse mon bonheur, ce qui m’apparaît bien difficile au milieu de tous ces carriéristes et arrivistes sans scrupules. Je me fais toujours autant marcher sur les pieds sous prétexte que j’aurai la tête ailleurs. Mais où exactement ?

    C’est pourtant si beau une ville la nuit.

Précédent
Précédent

Le Pirée n’est jamais sûr.

Suivant
Suivant

Le dandy dans une émission de divertissement.